jeudi 19 novembre 2015

Tortel et ses passerelles


Hola todos !

Nous quittons Rio Tranquilo avec un petit pincement au cœur, nous serions restés de longues journée encore bien volontiers dans ce havre de tranquillité. Le soleil est toujours au rendez-vous. Nous prenons de bon matin la direction de Cochrane, la dernière "ville" de la Carretera Austral. Mais pour cela il nous faut d'abord résoudre l'énigme des transports, manifestement non triviale.


Trois minibus sont censés passer entre midi et 14h, mais encore faut-il qu'ils aient de la place... Nous tentons le stop en attendant pour augmenter nos chances, même si la circulation n'excède jamais plus de quatre voitures par heure sur cette piste poussiéreuse... Nous l'avons déjà dit, il n'y a pour l'instant que très peu de touristes, et donc peu d’autostoppeurs, ce qui est un vrai avantage vu les rares transports qui se présentent. La patience est donc de mise aujourd'hui, et la chance nous sourit assez rapidement. Un premier pick-up nous avance de 100km, puis après 2h d'attente un second nous conduit à bon port ! La compagnie était en plus vraiment très agréable : discussions des plus intéressantes et arrêts aux points de vue. Nous longeons tout d'abord d'immenses lacs avec toujours ces glaciers en toile de fond, décidément c'est superbe ! Puis avant Cochrane nous longeons le Rio Baker, un fleuve d'un bleu turquoise surprenant, très connu des amateurs de pêche et d'eau vive.


    Autant faire du stop avec le sourire !

   Rio Baker

Cochrane est une petite ville perdue au milieu de rien, d'environ 20 000 habitants. Au premier abord, nous nous demandons bien pourquoi une ville a pris forme ici. Nous apprendrons que des mines ont vu le jour dans les environs après la découverte de filons d'or, élément qui a suscité suffisamment d'intérêt pour que de la main d’œuvre vienne s'installer ici. Nous assistons à la sortie d'école, déambulons dans les rues désertes, et trouvons vite ce qui sera pour nous la "curiosité" du jour : le supermarché de la place centrale. C'est une véritable caverne d'Ali Baba, qui semble dater de début 1900 (si on se base sur nos références françaises). On trouve toutes sortes de choses dans ce petit magasin : alimentation, chaussures, matériel de bricolage, tissus, vins et alcools, ustensiles de cuisines, vêtements, gazinières, matelas, pharmacie, chocolat, valises, moteurs de bateau... Tout y est, et sur une superficie minimale. Les produits sont entassés et présents en petite quantité. Il ne faut par contre pas être exigeant sur la couleur, le design, la marque, ou encore la fraîcheur des produits. Ici quand on fait les courses, on achète ce qu'il y a et on s'adapte ! 






    Le fameux supermarché

Nous ne resterons qu'une soirée à Cochrane, car la météo semble virer au mauvais dans les jours qui suivent et surtout, le lendemain un bus prend la direction de Tortel, notre prochaine destination (le suivant étant deux jours plus tard). Pourtant les parcs dans les alentours semblent superbes. Le parc Patagonia, en pleine création dans la vallée Chacabuco, aurait un tel potentiel de randonnées qu'il serait annoncé comme le futur Torres del Paine. Il doit donc regorger de merveilles...

Le lendemain matin nous prenons donc LE seul et unique bus pour Tortel à 120km d'ici. Ce trajet n'est pas comme les autres et est à lui tout seul le théâtre de la vie locale. Nous nous rendons vite compte que notre chauffeur est une personne de référence dans ces contrées reculées que nous traversons. Il permet au locaux vivant ici si isolés, chacun dans leur coin, de garder un lien social. Le chauffeur a donc clairement plusieurs rôles à jouer : chauffeur, bagagiste, facteur, coursier, et guide touristique ! Il est d'une attention et d'une gentillesse exceptionnelles avec la vingtaine de passagers, garantissant une ambiance joyeuse à bord. Tout le monde discute et rigole de bon cœur !





Nous ne sommes que trois touristes, il prend soin de nous décrire le paysage, de nous narrer l'histoire de la région et même de s'arrêter pour quelques photos ! Le soleil est encore au rendez-vous aujourd'hui, nous avons de la chance. Les autres passagers sont plutôt âgés et vivent dans de petites cabanes perdues le long de la route. Nous nous arrêtons quasiment devant toutes les maisons (une dizaine seulement sur tout le trajet) pour prendre une commande de courses pour le prochain passage du bus, récupérer un message à faire passer à la maison suivante, déposer un carton, rendre de la monnaie, transmettre des nouvelles, en prendre d'autres... Nous déposons une dame et sa fille dans un virage : le mari les attend avec trois chevaux leur permettant de regagner leur domicile, sans doute éloigné de la piste... Nous sommes chanceux d'assister à ce trajet et impressionnés de constater un tel isolement...



    Au centre, un huemul (cerf andin) qui est une espèce protégée






Après 4h de trajet chaotique, la piste s'arrête net à l'entrée du petit village de Tortel, village construit au bord d'un fjord. Le bus est attendu, l'arrivée d'une dizaine de personnes dans le village est ici un véritable débarquement!

Tortel est un village atypique construit intégralement sur pilotis le long de ce fjord. Des kilomètres de passerelles de bois de cyprès permettent de se déplacer dans le village, en bord de mer et au-dessus des marécages gorgés d'eau. Aucun véhicule ne circule ici car il n'y a ni rue ni piste. Les déplacements motorisés se font en bateau, sinon tout le monde se déplace à pied. Nous arpentons ces pontons bien agréables et nous traversons de nombreuses places, construites en bois et sur pilotis évidemment, des places sont aménagées sur lesquelles on retrouve un square avec toboggan ou encore du matériel de salle de sport.
Le village s'étend sur deux bons kilomètres. Quel décor incongru et agréable ! L'ambiance est paisible évidemment, la vie est très simple. Le bois est un élément clef ici : on coupe du bois à brûler, on alimente le poêle pour se chauffer et cuisiner, on répare ou construit les bateaux en bois tout comme ces fameuses passerelles. Des coups de marteau se font entendre à longueur de journée aux quatre coins du village. 














   Chez Giselle, Hospedaje dans laquelle nous dormons

    Feu de bois et même cuisine au feu de bois !

Nous profitons de ce bel après-midi ensoleillé avant la pluie annoncée pour prendre un peu de hauteur sur le village via l'unique sentier des environs. Le Rio Baker se jette dans le Pacifique non loin de là, la couleur laiteuse de son petit delta est très belle. Le grand large est encore loin, de multiples îles laissent quelques passages à la mer pour rentrer jusqu'ici. 







Ah et comme toujours on prend nos marques dans les petites échoppes du quartier. Mais les gens semblent bizarres, du moins quelque chose cloche : lorsque l'on souhaite acheter quelque chose, on a souvent la même réponse. Voici un extrait des échanges habituels :
Nous: "Peut-on acheter ces bananes s'il vous plait ?" 
Réponse: "Non, il n'y pas de lumière."
Nous: "Euh, non, pardon... Peut-on acheter ces bananes ou ces oignons ?" (Question réitérée des fois que l'on se soit mal fait comprendre la première fois)
Réponse: "Non, il n'y a pas de lumière."
Nous (nous avions donc bien compris): "Ah euh... Mais pourquoi ?"
Réponse: "Parce qu'il n'y a pas de pluie."

 
Hein ?!??? Nous ne pouvons pas acheter ces bananes parce qu'il n'y a pas de lumière ou parce qu'il n'y a pas de pluie ?!??? Soit nous ne parvenons pas à nous faire comprendre, soit ils ne veulent rien nous vendre, soit nous avons loupé quelque chose. (ou un peu des trois...)

Nous menons l'enquête et nous comprenons que l'électricité du village provient d'une turbine hydroélectrique qu'un bassin alimente. Mais ce bassin est vide à cause du manque de pluie de ces derniers temps, la turbine ne tourne donc pas, il n'y a donc pas d'électricité ! Et donc pas de lumière. Et le rapport avec les bananes ?! Et bien c'est simple, la balance électrique ne fonctionne pas et ne peut pas donner le prix... CQFD !

Mais pourquoi donc n'utilisent-ils pas une bonne vielle balance à plateau ? Ah ça c'est un autre débat, mais ils semblent résignés à attendre la prochaine grosse pluie... Bref, en attendant la pluie les rares fruits et légumes pourrissent. Lors de notre passage, l'électricité était donc uniquement fournie par des groupes électrogènes, quelques heures le soir. Mais avec parcimonie puisque l’essence est également une denrée rare.

Nous passerons deux autres jours sous la pluie à Tortel, finalement pas fâchés de nous poser après toutes ces journées ensoleillées bien remplies qui se sont enchaînées. Nous cueillons de la nalca, vous vous souvenez cette rhubarbe géante, et en faisons une tarte le soir même avec nos colocataires du jour ! Pas mal du tout !
 


   Pour trouver du pain, il faut aller toquer chez les particuliers...







La bise boisée




1 commentaire:

  1. C'est moi où ça commence à être bien le sud là??
    Sympa cet article d:-)
    (smiley avec casquette)

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